Bariza Khiari : les musulmans sont dans une injonction contradictoire

http://bondyblog.liberation.fr/201501210001/bariza-khiari-il-peut-potentiellement-y-avoir-cinq-millions-de-musulmans-sur-un-divan/#.VL-RKS4uNmX

j’ai répondu ce mercredi 21 janvier à une demande d’interview du Bondy Blog, site de jeunes journalistes dont j’apprécie la rigueur de travail. Cet entretien portait sur les attentats odieux qui ont ensanglanté notre pays et les réponses qui pouvaient être apportées. J’étais également interrogée sur la situation des musulmans en France, vous trouverez ici le texte de l’entretien:

Sénatrice (PS) de Paris depuis 2004, Bariza Khiari se dit “farouchement républicaine et sereinement musulmane”. Peu sollicitée par les médias depuis les attentats qui ont frappé Paris la semaine dernière, elle confie ses frustrations, ses colères, mais aussi ses espoirs dans une société plus égalitaire où les citoyens auraient envie de “faire ensemble”. Entretien réalisé en marge d’une conférence sur la liberté d’expression à l’Unesco.

Vous avez déclaré être “farouchement républicaine et sereinement musulmane”, quels conseils donneriez-vous aux jeunes français musulmans pour que ce soit aussi leur cas?

Bariza Khiari : Ce que je veux leur dire, c’est que la République c’est la primauté de la citoyenneté sur l’identité. Ce qui ne signifie pas gommer son identité pour autant. Au contraire, il faut être dans l’affirmation de ce que nous sommes, juif, musulman ou autre… Moi je ne suis pas dans le déni de ce que je suis, de ce qu’ont été mes aïeux. C’est ce qui me donne les bons codes, les bonnes clés de l’islam. C’est primordial pour trouver son équilibre, parce que sinon il peut potentiellement y avoir cinq millions de musulmans sur un divan, et c’est catastrophique pour la société française.

Quand on voit ces jeunes qui, sur Twitter ou dans les écoles, semblent justifier les actes terroristes commis la semaine dernière, qu’est-ce que vous avez envie de leur dire?

C’est pas possible, c’est juste pas possible… Je souffre beaucoup en ce moment à cause de ça. J’ai envie de les prendre dans mes bras et leur dire “aimez-vous”. Quand vous faites ça, vous ne vous aimez pas. Ne soyez pas dans la violence ou dans la barbarie comme ces terroristes. Vous êtes jeunes, vous avez la vie devant vous. Mais je dis aussi que je comprends les raisons de leur humiliation, dont la liste est longue comme le bras. Je leur dis qu’il faut essayer de dépasser cette humiliation pour aller vers l’autre avec le cœur.

De nombreuses voix se sont élevées pour demander aux musulmans de se démarquer des attentats commis à Charlie Hebdo et Porte de Vincennes. Quelle a été votre réaction face à ces injonctions?

A chaque fois que les musulmans parlent, ils seraient dans la duplicité. Mais s’ils se taisent, ils sont considérés comme complices. Notre silence vaudrait accord. On est dans une sorte d’injonction contradictoire qui crée des solidarités absurdes. Ça suffit ! Au lieu de faire du sensationnalisme, j’aimerais que les médias soient davantage dans la médiation et la pédagogie, qu’ils expliquent les mots qu’ils utilisent. De l’islamophobie notoire, on en a à longueur d’antenne et personne ne s’en indigne. Vous croyez que ces jeunes, ça ne les touche pas ? C’est une atteinte à ce qu’ils sont. “Vous voulez que je sois dans le déni de moi-même? Alors je ne serai pas Charlie, et je serais peut-être autre chose.”

Vous semblez en colère contre le traitement médiatique de ces événements…

Attendez, est-ce que vous m’avez vue au 20 heures ? Non, parce que moi je représente ce que je suis. C’est-à-dire une citoyenne, française, qui est en fidélité avec la tradition qui l’a portée. Je n’ai pas le couteau entre les dents et je m’affirme musulmane. Mais ça, ça ne les intéresse pas. Ma parole ne les intéresse pas. Les médias ne m’ont quasiment pas contactée, sauf ceux du Sénat, et Jean-Pierre Elkabbach qui m’a accordé quelques minutes. Mais à part ça… Une grande journaliste m’a dit un jour : “si tu veux qu’on t’appelle, tu n’as qu’à mettre une burqa dans l’hémicycle. Là on viendra tous !” C’est d’un cynisme absolu.

Ne pensez-vous pas que les attentats de la semaine dernière, aussi tragiques soient-ils, participent à certaines prises de conscience, notamment sur la condition des musulmans dans notre pays?

J’espère, parce qu’aujourd’hui le musulman se sent inquiet, suspect. Il a honte alors qu’il n’y est pour rien. Les musulmans ont honte et les juifs ont peur. Peut-être que ces événements rapprocheront les deux communautés. C’est important qu’ils soient solidaires, mais surtout que la société dans son ensemble soit solidaire. J’espère que l’union sera plus durable que la France “Black-Blanc-Beur” de Zidane, qui n’a duré que ce que durent les roses.

Le maire de Strasbourg, Roland Ries, a annoncé l’organisation dans sa ville d’une grande “conférence citoyenne sur le vivre-ensemble”. Est-ce que vous souhaitez que la même chose se produise en Île-de-France?

Bien sûr. Nos aïeux sont morts pour la France, dans différentes guerres. Là il n’y avait pas d’arabe ou de musulman. On mourrait ensemble. Aujourd’hui, on n’est même pas capable de vivre ensemble. C’est pas un problème ça ? Je pense que le terme vivre-ensemble n’est plus approprié. Aujourd’hui, il faut faire ensemble.

Mais comment rassembler les gens dans une société de plus en plus fragmentée?

La République jusqu’au bout, c’est-à-dire l’égalité. La liberté a été atteinte. On a vu que la fraternité s’est exercée. Mais l’égalité? L’égalité, parce que les discriminations sont des morts sociales. On tue des gens. Si on fait un effort pour l’égalité, je pense qu’on peut de nouveau construire ensemble. Si on ne fait pas d’efforts, alors il y aura des jours mauvais.

Amedy Coulibaly et les frères Kouachi ont grandi en France, tout comme Khaled Kelkal, l’un des poseurs de bombes dans les attentats qui ont frappé la région parisienne à l’été 1995. Comment se mobiliser durablement pour ne plus retrouver ce type de parcours?

Il y a eu Kelkal, il y a eu Merah, il y a eu les frères Kouachi… Jusqu’à quand ? Peut-être que pour être entendu il faut voter, utiliser son droit de vote pour s’exprimer. Et alors peut-être que les politiques les entendront davantage. Je pense que cette prise de conscience passe par la citoyenneté. Exercez votre droit citoyen, votre droit d’électeur, et vous serez probablement entendu, davantage entendu. Il faut un effort des deux côtés.

Qu’est-ce que vous pensez, à titre personnel, de la Une de “Charlie Hebdo” de cette semaine de mercredi dernier ?

On ne sait pas qui pardonne à qui, j’ai trouvé ça très émouvant. “Je suis Charlie”, il faut prendre ce slogan avec distance, avec recul. Je dirais même avec le sourire.

Qu’est-ce que vous répondez aux musulmans qui se disent offensés par cette nouvelle représentation du Prophète?

Je peux comprendre qu’ils se sentent offensés, mais il faut leur rappeler que le droit de blasphème est un droit républicain. S’ils considèrent que la loi n’a pas été appliquée, ils n’ont qu’à utiliser des voies légales pour le dire, comme l’a fait le Conseil français du culte musulman en 2007. Ils ont engagé un recours, et quand la justice a tranché ils en ont pris acte. Point. Ça a permis de rappeler que le blasphème est autorisé en France, fruit de l’histoire d’un pays qui s’est construit contre l’Église.

Certains sociologues des religions alertent sur une double méconnaissance, celle de la laïcité pour les uns et de l’Islam pour les autres. Qu’en pensez-vous?

Il faut expliquer à nos concitoyens dans leur ensemble que la foi peut construire un individu et participer de son émancipation. De même, il faut expliquer aux musulmans que la laïcité n’est pas contre les religions, mais que c’est un concept politique qui nous permet de vivre ensemble au-delà de nos différences. Je pense qu’effectivement cette pédagogie, cette médiation, n’a pas encore été faite. Vis-à-vis des uns, comme vis-à-vis des autres.

Propos recueillis par Thibault Bluy

Publié dans Uncategorized | Laisser un commentaire

L’Islam bafoué par les terroristes

12 janvier 2011

Appel lancé dans Respect Mag 

Dès les premières heures de l’année, 21 chrétiens étaient massacrés à la sortie de la messe, devant l’Église des Saints d’Alexandrie en Égypte.
Deux mois auparavant, veille de la Toussaint, des terroristes assassinaient 45 chrétiens dans la cathédrale de Bagdad. Des atrocités commises «au nom de l’islam».

Nous rappelons, haut et fort, que ces meurtriers ne sont pas l’islam, et qu’ils ne représentent en rien les musulmans. Nous voulons signifier par cet Appel notre refus de ce rapt de nous-mêmes: celui dont on usurpe l’identité est plus à même de démasquer le faussaire.

L’instrumentalisation de la religion est certes trop souvent, ici, le fait de certains médias ou politiques. Elle reste, de par le monde, la terrible arme des extrémistes. Et ce sont eux qui tuent, dans différents pays, des femmes, des hommes et des enfants de toutes confessions, dont de nombreux musulmans.

Le meurtre de chrétiens, comme de tout être humain, est une horreur absolue. Et c’est aussi l’islam qu’on assassine en commettant ces crimes en son nom. Alors comment se taire quand on tue en votre nom?

Depuis la France, les citoyens de foi, de tradition ou de culture musulmane – ou héritiers de ces références – veulent ici dire leur indignation devant ces crimes. Pour leurs voisins, pour leurs enfants et pour eux-mêmes, contre les amalgames destructeurs. Ils clament haut et fort leur refus de l’intolérance et des violences commises, de par le monde, à l’encontre de minorités. Et plus fort encore lorsque certains bafouent leur foi ou leur identité en tuant au nom de l’islam.

Construisons partout le vivre ensemble dans nos pays multiconfessionnels.

http://www.respectmag.com/2011/01/12/bariza-khiari-«-le-terrorisme-n’-pas-de-religion-»-4759

 

Bariza Khiari: « Le terrorisme n’a pas de religion »
MER, 12/01/2011
Par: Chloe Goudenhooft
Bariza Khiari est sénatrice socialiste de Paris. Signataire de l’Appel lancé aujourd’hui par Respect Mag, elle explique son engagement.

Pourquoi avoir d’emblée signé et soutenu ce texte ?

J’ai adhéré immédiatement en référence à l’émir Abd el Kader. Au nom de sa foi, de l’islam, il a sauvé les chrétiens de Damas en 1860. L’année dernière, cela faisait 150 ans, et personne n’a fêté cet anniversaire ! Aucune manifestation n’a été organisée. Je me place dans cette lignée de l’islam, en continuité du judaïsme et du christianisme.

L’islam, ce n’est que ça. Aucun acte de violence ne peuvent être commis au nom de cette religion. Le terrorisme, la folie n’ont pas de religion. La violence nie et annule toute puissance sacrée. Nous croyons au pluralisme religieux, il faut soutenir nos frères chrétiens d’Orient et d’ailleurs. C’est le patrimoine de l’humanité.

La position des chrétiens d’Orient n’est-elle pas un miroir inversé de celle des musulmans en France ?

Hier, nous étions un peu des Roms, aujourd’hui, nous sommes des chrétiens d’Orient ! Les situations ne sont pas de même nature mais, de chaque côté, il y a stigmatisation. Et lorsqu’une minorité est désignée, on ne sait pas jusqu’où les choses peuvent aller.

L’Europe, qui a été le foyer de drames terribles, nous l’a montré à plusieurs reprises. Cela montre aussi que l’intolérance n’est pas toujours du même côté. Elle se trouve du côté de l’État, dans le cas des Roms, comme du côté des extrémistes, dans le cas des chrétiens d’Orient.

La nécessité de cet appel est-elle liée au climat actuel ?

Marine Le Pen a lancé les thématiques électorales. Or, nous serons les otages de la campagne. La cible, ce ne sont plus les immigrés, puisqu’il s’agit plutôt d’enfants d’immigrés aujourd’hui. Ce sont désormais les musulmans qui sont visés. L’islam est devenu un enjeu politique. On l’oppose à la laïcité. Et on en fait une source de division alors que la laïcité est une chose magnifique. Mais elle doit être constructive. Elle doit correspondre à un espace de concorde qui permette le vivre-ensemble.

Cela dit, nous n’adressons pas d’injonction. Par cet appel, nous opposons la connaissance à l’ignorance. L’islam est méconnu, et notamment par certains musulmans eux-mêmes.

Est-ce la voix d’une majorité silencieuse qui s’élève ?

Oui. Qu’on ne nous dise plus que nous ne réagissons pas ! En même temps, lorsqu’il s’agit de critiquer l’islam, là on vient vers nous. Mais quand nous évoquons les discriminations, la ghettoïsation, personne n’est à nos côté. De même, lorsque nous parlons d’un islam d’amour, d’un islam profond, de paix, là personne ne nous écoute, aucun micro n’est tendu vers nous. Or, le vrai, le véritable islam, c’est cela. Il s’agit avant tout d’une spiritualité. Aujourd’hui, l’islam devient une question politique. Il est utilisé et instrumentalisé par les politiques et les extrémistes. En France comme ailleurs. L’islam n’est pas coupable des atrocités du terrorisme.

Publié dans MES COMBATS POLITIQUES | Laisser un commentaire

Intervention Proposition de Résolution Reconnaissance de l’Etat de Palestine le 11 décembre 2014.

Le 11 décembre 2014, la Proposition de résolution portant sur la reconnaissance de l’Etat de Palestine était examinée au Sénat. Voici le texte de mon intervention en séance.

Madame la Présidente, Monsieur le Ministre, chers collègues,

Avec cette résolution visant la reconnaissance de l’Etat de Palestine, le Parlement exprime, oui dans le respect de son rôle institutionnel, une attente des citoyens français, à savoir une tentative de résolution du conflit israélo-palestinien avec l’avènement de deux Etats viables vivant en paix et en sécurité, conformément au droit international c’est à dire dans les frontières de 1967,.
Le vote positif du sénat exprimerait, la volonté de la représentation nationale de voir s’instaurer une paix juste et durable au Proche-Orient. Alors qu’il n’a pas force de loi, qu’il n’a pour lui que la puissance des mots, ce vote est aussi un vote historique. Et En dépit de toutes les limites de cet exercice, notre débat suscite ici, et hors de nos frontières, une grande espérance. Parce que c’est la voix de la France. Pourquoi ?
• Parce que la France est riche de la 1ere communauté juive d’Europe. Beaucoup de nos concitoyens ont des liens profonds avec Israël, consubstantiel je dirai même des membres de leur famille y vivent.
• Parce que la France, c’est aussi un pays façonné politiquement par le combat contre le colonialisme. Les déchirements de notre histoire récente sont constitutifs de nos identités politiques. La France, plus que d’autres grandes nations européennes, sait, pour reprendre les mots d’Aymé Césaire, que « la colonisation déshumanise l’homme, même le plus civilisé ». A ce stade, j’ai une pensée pour le ministre palestinien tué hier, Ziad Abou Ein.
• Parce que la civilisation européenne a d’abord sombré, moralement, en laissant naître et prospérer en son sein ce qui aboutira à la Shoah. La France d’après 1945 s’est sentie comptable de la France de Vichy. C’est une dette de sang que la France a contracté à l’égard de ces compatriotes. Cette dette s’est exprimée par la reconnaissance de l’Etat d’Israël mais cette dette, ce n’est pas aux palestiniens de la payer.
Par ailleurs, ceux qui regrettent ou qui craignent l’importation de ce conflit en France font, me semble t’il, une erreur d’analyse : cette question, parce qu’elle fait écho à notre histoire, est en France depuis bien des années. Mais la ligne de fracture n’oppose pas les uns et les autres, le bien et le mal.
La ligne de fracture se trouve dans la conscience de chacun d’entre nous ; cette ligne traduit un conflit de principe
– la bienveillance pour Israël puise ses racines dans la faute de Vichy, et se nourrit aussi de l’extraordinaire vitalité d’une partie de la société civile.
– Mais, ce capital de sympathie, réel et puissant, n’interdit pas de constater l’asymétrie des forces, et, par conséquence, l’injustice faite aux palestiniens.
Nous, français, avons pleinement conscience que la France ne peut honorer sa dette en tolérant une autre injustice.
La France républicaine s’est construite, non sans égarements, non sans contradictions, mais toujours avec passion, dans le combat pour la justice, l’égalité et le respect du droit international.
Et notre conscience politique, née de notre histoire récente, fait que toute entreprise coloniale, au delà de la question du droit international, suscite notre réprobation.
Les parlementaires qui sont allés au Proche-Orient ont pu constater le développement rapide de la politique de colonisation jusqu’à Jérusalem-Est, lieu éminemment symbolique. Cette stratégie est contraire au processus d’Oslo et au droit international.

La négociation est devenue une arme pour tuer dans l’œuf toute négociation et le tête à tête entre les différentes parties a montré ses limites. Il faut donc sortir de ce cercle infernal et prendre des initiatives.

Aujourd’hui, le constat est terrible : le dialogue s’avère impossible entre les différents protagonismes alors même que depuis 60 ans la communauté internationale ne cesse de déployer tous ses efforts pour obtenir un accord de paix. Rarement l’avenir de la région n’a été aussi sombre, la détresse si forte.
De fait, notre initiative parlementaire ne vient pas perturber un processus. Bien au contraire, elle tente de le réanimer.
L’attachement de la France, et de ses gouvernements successifs, à la création de l’Etat d’Israël, à sa sécurité, a été constant.
La position de la France en faveur d’un Etat de Palestine a été exprimée à maintes reprises tant par la droite que par la gauche.

Notre initiative vient également relayer la voix de la société civile israélienne. Plusieurs centaines d’intellectuels israéliens nous encouragent à voter cette reconnaissance de l’Etat de Palestine. Tous les partisans de la paix ont besoin de notre vote.
Ils nous disent qu’il n’y a pas de solution militaire tenable, et que la situation actuelle présente un réel danger pour Israël.
Sans horizon politique, c’est la violence aveugle qui domine. L’espoir, même fragile, que la paix puisse advenir peut servir d’antidote à la violence qui nourrit les actes de désespoir.
Israël, parce que c’est une démocratie suscite de notre part plus d’attentes, plus d’exigences quant au respect de certaines valeurs, et notamment le prix d’une vie humaine. Je suis comme vous, mes chers collègues, persuadée que l’avenir d’Israël et celui de la Palestine sont liés. Que la garantie de la sécurité d’Israel, c’est l’Etat de Palestine.
C’est, par ailleurs, me semble t’il, une erreur d’imaginer qu’en votant contre cette proposition, on pourrait contribuer à lutter contre les actes antisémites qui minent notre pacte républicain. Bien au contraire !
Je déplore, la faiblesse de l’indignation nationale, en dehors bien évidemment de la forte condamnation du gouvernement, qu’aurait dû susciter le crime commis à l’encontre de ce couple de Créteil, et notamment de la jeune femme tout comme je dénonce l’apathie des réactions quand des actes islamophobes meurtrissent nos concitoyens de confession musulmane.
Je regrette que nous ayons perdu notre nécessaire capacité d’indignation parce que, comme le disait Saint Augustin :
• à force de tout banaliser, on finit par tout supporter,
• à force de tout supporter, on finit par tout tolérer,
• à force de tout tolérer, on finit par tout accepter
• et à force de tout accepter, on finit par tout approuver.
Luttons, condamnons, punissons les propos et actes racistes d’où qu’ils viennent. Formons les consciences des jeunes générations et contribuons, par notre vote, à soutenir ceux qui, en Israël, en Palestine et ailleurs dans le monde, en dépit des épreuves et des drames, continuent à croire et à vouloir la paix.
• Imaginons, mes chers collègues, que, cette proposition de résolution soit votée, et que ce vote, devienne utile pour la reprise des négociations.
• Imaginons encore que ces négociations permettent d’aboutir à la paix.
• Imaginons un instant, un Proche-Orient pacifié.
C’est une vision qui peut paraître utopique tant la désespérance s’est incrustée dans le cœur des hommes et pourtant, il n’y a pas de fatalité.
Avec notre vote, la France et l’Angleterre, membre du conseil de sécurité, pourront se prévaloir du soutien de leur représentation nationale. Le président des Etats-Unis, libéré de la contrainte électorale, aura davantage de marge de manœuvre. Le moment est venu d’imaginer un Proche-Orient pacifié.

Il restera à fonder la bienveillance envers l’autre. C’est à dire porter sur soi le destin de l’Autre. Et c’est vers quoi doivent tendre israéliens et palestiniens : aller d’une paix froide sur un bout de parchemin à une réconciliation des cœurs.
Cet horizon ne pourra être atteint sans la volonté des deux parties et sans la vigilance et surtout l’impartialité de la communauté internationale. La France, pays ami des peuples israéliens et palestiniens, ne peut que, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, prendre des initiatives pour sortir de ce tête à tête sans issue.
Et Il nous appartient à nous, membres de la représentation nationale de les assurer de notre soutien en posant la première pierre : le vote de cette résolution pour la reconnaissance de l’Etat de Palestine.
Mes chers collègues, soyons à la hauteur de ce moment.

Publié dans Uncategorized | Laisser un commentaire

Intervention lors des auditions concernant la proposition de résolution portant sur la reconnaissance de l’Etat de Palestine

Le 3 décembre dernier, la commission des Affaires Etrangères et de la Défense et des Forces Armées s’est réunie pour assister à des auditions, ouvertes à tous les sénateurs et publiques, dans le cadre du travail législatif concernant la Proposition de Résolution (PPR) portant sur la reconnaissance de l’Etat de Palestine que le groupe socialiste avait déposé ainsi que deux autres PPR similaires des groupes Europe Ecologie les verts et Communiste.
Nous recevions l’Ambassadeur de la Palestine en France, l’Ambassadeur de l’Etat d’Israël et le Ministre des Affaires étrangères et européennes. sur le lien ci-joint vous pourrez voir l’ensemble des auditions

http://replay.publicsenat.fr/vod/audition/auditions-dans-le-cadre-de-la-ppr-sur-la-reconnaissance-par-la-france-d-un-etat-palestinien/delphine-girard/167299

j’interviens à 1h33 pour interpeler l’Ambassadeur de l’Etat d’Israël et à 2h29 pour interroger le Ministre.

Publié dans Uncategorized | Laisser un commentaire

intervention journée régionale de lutte contre les discriminations le 7 novembre 2014

Mesdames, Messieurs
Je tenais en premier lieu à remercier les organisateurs de cette journée, la région Rhône Alpes et notamment Farida Boudaoud, Vice-Présidente de la région, pour l’énergie qu’elle déploie sur ce sujet majeur pour la cohésion nationale. J’ai coutume de dire que les discriminations sont des morts sociales, parce que l’individu discriminé se voit dénier son appartenance à la société, se voit considéré comme un être à part différent des autres. Le premier engagement des responsables politiques, c’est bien de veiller au vivre-ensemble, de lutter sans relâche contre les injustices en défendant ceux qui en sont victimes. Je vais concentrer mon propos sur les discriminations liées à l’emploi et l’action du législateur dans ce domaine. Vous avez fait un choix pertinent dans un contexte de crise économique et sociale, et de chômage élevé, ce choix est d’une grande pertinence.
Un sondage mené auprès de salariés par l’IFOP pour le compte du défenseur des droits montre qu’un tiers des personnes interrogées estime avoir déjà été victime de discrimination. Cela suffit à démontrer l’ampleur de ce phénomène et la nécessité d’y apporter des réponses politiques précises. Ces données sont éloquentes car elles mettent l’accent sur ce qui est plus qu’un simple épiphénomène mais bien un fait de société marquant de nombreuses personnes.
A l’évidence, ces données reposent sur un ressenti et une simple déclaration et je devine que certains contesteront ces résultats et expliqueront qu’ils ont une absence de fiabilité. Il ne faut pas négliger ces avis car ils appartiennent à deux catégories d’individus très différentes mais qui toutes deux redoutables pour le vivre ensemble et notre modèle républicain.
La première catégorie relève de mouvances extrêmes pour qui « lutte contre les discriminations » rime simplement avec immigration. Leur corpus idéologique est assez cohérent, le refus de l’immigration, le refus de l’autre implique le refus de tout droit pour les immigrés ou leurs enfants. Que les discriminations puissent toucher d’autres publics comme les syndiqués, les femmes, les handicapés, les séniors, peu leur importe au final. L’extrême droite montre ainsi son vrai visage, celle du refus des politiques sociales et d’aide aux personnes en difficulté.
La seconde catégorie est plus pernicieuse. Elle rassemble de fervents soutiens de la lutte contre les discriminations. Cependant, ils souhaitent également promouvoir la discrimination positive qui n’est pas dans le corpus républicain. Dans ce combat, ils affirment la nécessité d’un outil : les statistiques ethniques qui permettent à les en croire de mesurer efficacement les discriminations.
Il suffirait donc de regarder le nombre de personnes handicapées dans une société donnée, le nombre de femmes, le nombre de personnes issues de l’immigration, le nombre de séniors pour mesurer la réalité des discriminations. J’ai peur que ce ne soit pas aussi simple, voire que la promotion de cet outil ne conduise à saper le combat contre les discriminations.
En effet, en premier lieu, le nombre brut de femmes ou de personnes issues de l’immigration, ou le nombre de personnes subissant un handicap dans une entreprise n’a jamais permis de dire si une entreprise opérait des discriminations. Dira-t-on que les entreprises de service à la personne qui emploient de nombreuses femmes et personnes issues de l’immigration sont des parangons de lutte contre les discriminations ? Ce serait aller bien vite en besogne.
En second lieu, je suis, en tant que femme politique, relativement inquiète face à cette volonté constante de se réfugier derrière des chiffres, des données, des calculs pour justifier une politique quelle qu’elle soit. En politique, le fait brut n’a que peu de poids s’il n’est pas accompagné d’un ressenti équivalent. Est-il besoin de rappeler qu’en 2002, Lionel Jospin a payé cher son refus de prendre en compte le ressenti d’insécurité. A l’époque, nous avions essayé de nous appuyer sur des faits, contestant le bien fondé du ressenti, chacun se souvient du succès de cette entreprise.
Par ailleurs, je suis de celles qui croient qu’une recherche qualitative permet de mesurer des faits extrêmement intéressants et qu’une simple recherche quantitative conduit à une perception tronquée d’une situation donnée. Mesurer n’est pas analyser, mesurer n’est pas comprendre.
Avoir recours aux statistiques ethniques me semble une mauvaise idée face aux enjeux qui sont les nôtres. Outre le fait qu’il s’agit d’une porte ouverte aux pires abus.
Lutter contre les discriminations n’implique pas une mesure parfaite, cela appelle des enquêtes de terrains mettant en évidence les mécanismes des discriminations et les parades éventuelles. C’est en décrivant finement les processus que l’on peut parvenir à mieux les circonscrire. S’il est une chose qu’un politique peut faire c’est encourager une recherche approfondie sur les questions des discriminations au travail permettant de proposer des outils adéquats pour combattre ces pratiques.
Par ailleurs, le rôle de l’élu, du législateur est aussi précisément de s’informer en lisant des travaux de recherche ou bien en invitant les chercheurs et décideurs à venir s’exprimer. Je tiens à ce titre à appeler votre attention sur le rapport sénatorial sur les discriminations au travail que viennent de faire paraître mes collègues Esther Benbassa, sénatrice du Val-de-Marne, et Jean-René Lecerf, sénateur du Nord. Ce rapport documenté représente un des axes majeurs du travail des législateurs, pourtant moins connu du grand public. Il s’agit de production de notes et rapports sur des sujets de société ou des aspects de droit. Ces notes détaillent les actions menées, le corpus législatif existant, dressent un bilan du travail effectué et proposent des améliorations et des évolutions. C’est ce que l’on appelle le travail législatif en amont d’un texte. Légiférer mieux suppose d’être bien informé.
Pour ma part, j’ai porté au Sénat la transposition de la directive européenne portant sur la création de la Haute Autorité de Lutte contre les discriminations qui aujourd’hui est intégrée dans les compétences du défenseur des droits. Par ailleurs j’ai porté le combat contre les emplois fermés après avoir étudié en détail les notes et rapports sur cette catégorie d’emploi et opéré des auditions, j’avais déposé une Proposition de Loi visant à supprimer ces emplois. De quoi s’agit-il ? Pour exercer certaines professions, il faut remplir des conditions de nationalité. En clair, être français. Tout un corpus de professions est ainsi concerné, ces restrictions d’accès datent en général du régime de Vichy mais ont été conservées par la suite. Il s’agit de discriminations légales mais elles semblent par leur existence même rendre légitimes les discriminations illégales.
La proposition de loi visait à supprimer ces conditions de nationalité pour un certain nombre de profession. Elle fut déposée en 2009 et voté à l’unanimité des groupes politiques. Cependant l’Assemblée Nationale, à l’époque de droite, rejeta ce texte. Plutôt que de proposer une 2e lecture, j’ai préféré à l’époque proposer des amendements à certains projets de loi gouvernementaux qui reprenaient des parties de ma proposition. Des projets de simplification du droit par exemple, ou encore le projet Hôpital santé territoires. Ce faisant, je choisissais non une approche globale mais une approche d’ingénierie sociale, proposant des évolutions progressives professions par professions.
C’est le deuxième enseignement sur le travail des parlementaires. Outre le travail législatif en tant que tel, il existe un travail de suivi des textes, de suivi des initiatives de manière par exemple, à ne pas faire des discriminations un sujet particulier mais au contraire une question multisectorielle, innervant de nombreux domaines économiques.
Ce travail patient, de suivi des textes et de propositions d’amendement constitue le cœur de notre action d’élu. Il permet de faire avancer progressivement les situations et de proposer des évolutions spécifiques nombreuses qui, mises bout à bout constituent de grandes mutations. Ce serait une erreur de croire que le législateur est nécessairement un partisan de grandes révolutions immédiates, quand il sait aussi porter des combats du quotidien et aboutir à de profonds changements de manière progressive.
En matière de lutte contre les discriminations, il faut aussi savoir compter sur des évolutions lentes des mentalités des pratiques, des idées. Il faut savoir proposer des modèles, des législations qui permettent une prise de conscience et des changements durables et réels.
De fait, je pense qu’aujourd’hui nous avons gagné un premier combat contre les discriminations en en faisant un thème de société, une question essentielle. Votre colloque le prouve. Aujourd’hui, il n’est personne qui puisse ignorer cette question et renvoyer ceux qui la portent à des affabulations. A ce titre, dans le même sondage de l’IFOP, près de 70% des personnes interrogées estiment que les discriminations sont un sujet essentiel. Cependant, un deuxième combat consistant à aider les victimes à porter le fer contre des pratiques préoccupantes me semble encore à gagner. Trop souvent la résignation semble l’emporter sur la volonté de se battre contre une injustice, un traitement discriminatoire. Cela passe sans doute par davantage de soutien en faveur des associations ou institutions en charge de cette question.
Cela passe également par une simplification des démarches afin d’aider les requérants et leur permettre de faire respecter leurs droits plus aisément.
Il faut également réfléchir à tous les moyens de limiter les discriminations notamment à l’embauche, qui sont les plus cruelles mais aussi les plus difficiles à démontrer. A ce titre, je veux rappeler que récemment le Conseil d’Etat a rendu une décision forte, demandant la généralisation du CV anonyme.
Je suis d’autant plus sensible à cette mesure que j’ai moi-même fait voter l’amendement appelant sa généralisation dans le cadre de la loi sur l’égalité des chances. Le CV anonyme part d’un constat, les recruteurs sans être nécessairement dans une volonté de discriminer, tendent à privilégier des CV qui correspondent à un modèle préconçu. Tout parcours sortant de l’ordinaire se voit rejeté. Il s’agit dès lors d’anonymiser les CV, un peu à la manière dont les copies sont anonymisées lors d’un concours de la fonction publique, pour permettre une égalité de traitement, les recruteurs perdant leurs repères habituels. Cette pratique fait l’objet de réticences de la part des syndicats tant patronaux que salariés qui doutent de sa fiabilité et de son efficacité. En Belgique où il a été généralisé dans les administrations, ainsi qu’en Allemagne, les résultats sont plutôt encourageants. Une loi votée doit être respectée quitte ensuite à en modifier le contour. Certains acteurs du secteur souhaitent également pousser dans d’autres directions, le CV vidéo par exemple. Il me semble souhaitable de ne pas limiter la boite à outils mais au contraire de multiplier les options, les possibilités. C’est là tout le travail d’un parlementaire qui modernise, reprend progressivement les outils pour les renouveler.
Toutefois, il faut aussi savoir nous interroger sur certains outils. Ainsi, je crois fondamental de ne pas trop segmenter les discriminations mais de rappeler l’unicité du processus, la permanence des structures de discriminations. Dans le cas inverse, non seulement on risque de diviser et séparer les luttes et d’affaiblir les discours mais également de perdre de vue le caractère commun à tout processus de discrimination.
L’islamophobie parlons-en.
L’islamophobie : ce nouveau racisme
Les essayistes dialoguent par voie de presse pour savoir si, oui ou non, le terme « islamophobie » est pertinent pour décrire la « violence symbolique » et parfois physique dont sont victimes ceux qui « réellement »ou « supposément » seraient musulmans. Sur ce point sémantique précis, il est utile de rappeler que l’usage du terme a été discrédité, pour vice de forme, par certains intellectuels français parce qu’il aurait été « inventé » par l’ayatollah Khomeini. En réalité, c’est l’administration coloniale française qui, au début du XXe siècle l’avait forgé. Dans un rapport de 2014, la commission Nationale des droits de l’homme revient longuement sur l’usage de cette notion pour finalement reconnaître sa validité : « le racisme a subi un profond changement de paradigme dans les années postcoloniales, avec un glissement d’un racisme biologique vers un racisme culturel. Certaines discriminations sont un sous produit de l’islamophobie.
Si la promesse républicaine est l’égalité, force est de constater que cette dernière est aujourd’hui mise à mal par les nombreuses discriminations dont certaines personnes sont victimes en raison de leur appartenance à l’islam.
En l’espace de quelques décennies, l’immigré est devenu le « beur » puis le musulman, en passant par « racailles » et « sauvageons ». Bercés par la promesse républicaine, « méritocratique et indifférente aux races et aux religions », ces populations ont fait valoir leurs attentes d’égalité à l’occasion de la Marche pour l’égalité de 1983, partis d’ici. Ce fut leur « marche des dupes » : cet évènement rebaptisé par les médias et partis politiques en « marche des beurs » a été détourné de son objectif politique : en renvoyant les marcheurs à une identité héritée et stigmatisée, les grands acteurs politiques ont démonétisé le message qu’ils portaient. C’est ainsi que les revendications d’égalité, à chaque fois insatisfaites, ont cédé la place à des revendications particularistes, nourries de la frustration d’être considérés comme des citoyens de seconde zone.
Les discriminations identifiées comme des « morts sociales » sont en effet des atteintes à l’idéal républicain en même temps qu’elles renvoient les personnes visées à une identité stigmatisée. La lutte contre les discriminations et la promotion de l’égalité passe par une lutte sans merci contre l’islamophobie et tous les racismes. Ce travail, parce qu’il participe de la lutte contre les préjugés et les stéréotypes, agit par voie de conséquence sur les discriminations.
Toutefois, je suis réservée sur les demandes émergeant autour d’une nouvelle catégorie spécifique de discrimination, liée à l’islamophobie. Il y a déjà beaucoup de motif de discriminations prohibés, la loi punit les discriminations ayant trait à la religion réelle ou supposée d’un individu, une insistance particulière sur l’islamophobie parait alors contestable.
J’ai été sensible au rapport de la commission consultative des droits de l’homme de 2013 qui mettait l’accent sur la montée des actes perpétrés contre les musulmans en France. Cette situation témoigne d’un certain raidissement identitaire en France qui est très préoccupant. Je pense que assurément que cette islamophobie croissante participe d’un climat renforçant les discriminations mais je ne pense pas pour autant qu’il soit pertinent de la singulariser par rapport aux autres discriminations religieuses. L’ajout d’une catégorie de discrimination doit se justifier par des critères précis qui ne me paraissent pas ici réunis, comment en effet distinguer l’islamophobie de toute autre discrimination de nature religieuse ?
Je suis convaincue de la nécessité de dénoncer l’islamophobie en tant que telle, de lutter contre ce climat qui favorise des processus discriminatoires. Je crois que cette critique générale a plus de poids qu’une simple catégorisation de l’islamophobie comme critère de discrimination.
Il ne faut pas confondre lutte contre les discriminations et promotion pour l’égalité réelle et lutte contre le racisme. La première demande une ingénierie sociale très pointue, des processus précis, des outils spécifiques. C’est une chaîne de production d’intelligence et de bienveillance.
En conclusion, je souhaite vous délivrer ce message d’optimisme. Il y a maintenant des voies de recours pour la lutte contre les discriminations. S’il est vrai qu’il est plus difficile et plus long parfois pour certaines personnes d’accéder à un emploi ou à une fonction, la République a ceci de vrai c’est qu’au bout d’un certain temps, les compétences effacent l’appartenance.
Je vous remercie.

Publié dans Uncategorized | Laisser un commentaire

Discours lors de la cérémonie nationale de Talents des Cités, le 18 octobre 2014 au Sénat

Chaque année depuis 13 ans, le Sénat accueille la remise des prix du concours Talents des Cités, ces prix récompensent de jeunes entrepreneurs et créateurs installés dans des quartiers populaires. Depuis ma première élection en 2004, je suis la marraine de cet évènement qui me tient à coeur. Vous trouverez ici le discours que j’ai prononcé lors de la cérémonie.

M. Le président Gérard Larcher,
M. le Sénateur Philippe Dallier
Chers lauréats,
Chers collègues,
Chers partenaires,

Je suis heureuse aujourd’hui de vous accueillir au sein de notre noble institution. Chers Lauréats, notre assemblée vient de connaître l’alternance à deux reprises puisqu’en 2011 le Sénat est passé à gauche et que la droite est aujourd’hui majoritaire et je retrouve aujourd’hui le Président Larcher qui a été présent à plusieurs manifestations. Vous avez été accueillis avec honneur et fierté quelle qu’ait été la couleur politique de notre chambre. La raison en est simple, nous partageons sur l’ensemble de ces bancs la nécessité de promouvoir vos actions, de célébrer vos réussites.
Vous apprendrez progressivement à voir qu’il est des sujets où les partis sont en accord, où un consensus se dégage : la nécessité de donner à voir une autre image des banlieues, des quartiers comme on dit également différente des stéréotypes usuels fait partie de ces thèmes qui nous rassemblent au-delà de nos divergences politiques. Nous cherchons à promouvoir des réussites individuelles et collectives montrant la créativité et le dynamisme qui animent ces territoires pour peu qu’on veuille bien proposer d’autres clés de lecture que les lancinantes images de violence.
Notre assemblée aujourd’hui vous félicite, elle manifeste sa fierté devant vos créations, vos succès. C’est cette diversité qu’elle met à l’honneur pour démontrer en quoi elle constitue une richesse actuelle et future.
Les choix que nous avons opérés cette année furent difficiles tant vous avez su faire preuve d’un réel talent. Année après année le jury est frappé de l’excellence des dossiers. Année après année vous ne cessez de prouver que cette opération que nous avions lancée il y a maintenant 13 ans avait sa raison d’être.
Je suis heureuse de partager avec vous ce moment qui restera j’en suis sûre gravé dans vos mémoires. Soyez assurés que nous regardons avec intérêt vos réalisations futures. Aujourd’hui n’est qu’une étape de vos vies, je vous souhaite de poursuivre sur ce chemin d’excellence. Comme je l’ai dit tout à l’heure, cela met du temps mais la compétence efface l’appartenance. Le temps sera votre meilleur allié.
Je terminerai ainsi par une forme d’encouragement en citant Léon Blum, pour la rive nord : « Réaliser dans l’âge d’homme les rêves de la jeunesse, c’est ainsi qu’un poète a défini le bonheur » et Ibn Arabi, grand maître sufi, pour la rive sud, « méfiez vous de vos rêves de jeunesse, ils risquent de se réaliser ». Soyez rêveur, soyez ambitieux, la République vous donnera les moyens de l’être.

Encore Bravo à tous !

Publié dans Uncategorized | Laisser un commentaire

Tribune « Nous sommes aussi de “sales Français » » parue le 25 septembre 2014 sur le site du Figaro

http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2014/09/25/31003-20140925ARTFIG00105-un-collectif-de-musulmans-de-france-nous-sommes-aussi-de-sales-francais.php

Suite au lâche assassinat d’un de nos compatriotes, Hervé Gourdel, par des fanatiques, j’ai souhaité exprimer mon dégoût et mon refus de la violence perpétrée au nom d’une religion dont le message est manifestement usurpé. Plusieurs personnalités de renom ont rejoint cette tribune.

Un de nos compatriotes, tombé entre les mains d’un groupe de barbares fanatisés, vient d’être assassiné et a rejoint ainsi la liste des otages qui ont servi d’exutoire au nom d’un prétendu islam dans lequel aucun de nous ne se reconnaît nullement. Nous musulmans de France, ne pouvons qu’exprimer notre répulsion et dénoncer avec la dernière énergie des crimes abominables perpétrés au nom d’une religion dont les fondements mêmes sont la paix, la miséricorde et le respect de la vie.
Nous dénions à ces êtres sauvages le droit de se revendiquer de l’islam et de s’exprimer en notre nom. Les supplices et la mort qu’ils ont infligés à nos frères chrétiens, azéris ou musulmans, en Syrie, en Irak, au Nigéria et ailleurs, nous ont révulsés et nous ont rendus encore plus malheureux de ne pouvoir faire rien d’autre que d’exprimer notre solidarité et notre immense compassion.
Faut-il pour autant se contenter d’exprimer notre solidarité sans aller plus loin dans l’expression de notre fraternité? Non! Car il est de notre devoir, au nom précisément de cette religion de paix et du véritable islam, d’appeler tous les musulmans qui veulent rester fidèles à ces valeurs cardinales, de dénoncer là où ils sont et quelles que soient les circonstances, leur dégoût devant cette ultime manifestation de la barbarie.
Il est de notre devoir, au nom précisément de cette religion de paix et du véritable islam, d’appeler tous les musulmans qui veulent rester fidèles à ces valeurs cardinales, de dénoncer là où ils sont et quelles que soient les circonstances, leur dégoût devant cette ultime manifestation de la barbarie.
Certes, cette majorité de musulmans n’est pas toujours audible, faute d’avoir accès aux médias, ou dans l’incapacité de créer eux-mêmes leurs propres outils de communication, pour rétablir l’image déformée que l’on renvoie d’eux et qui en fait soit des djihadistes, soit des fondamentalistes mais jamais des citoyens ordinaires soucieux de vivre dans le cadre des lois de la République leur foi et de sauvegarder les traditions et les cultures qui constituent chaque citoyen français dans la diversité de ses origines.
Nous, Français de France et de confession musulmane, tenons à exprimer avec force notre totale solidarité avec toutes les victimes de cette horde de barbares, soldats perdus d’un prétendu Etat islamique, et dénonçons avec la dernière énergie toutes les exactions commises au nom d’une idéologie meurtrière qui se cache derrière la religion islamique en confisquant son vocabulaire.
Personne ne peut s’arroger le droit de s’exprimer en notre nom, et, pour mieux attester de notre solidarité dans les circonstances dramatiques actuelles, nous revendiquons l’honneur de dire que «nous sommes aussi de sales Français».

Bariza Khiari (première vice-présidente du Sénat), Madjid Si Hocine (médecin et militant associatif), Saad Khiari (cinéaste-auteur), Ghaleb Bencheikh (président de la conférence mondiale des religions pour la paix), Farid Yaker (président du Forum France Algérie), Kamel Meziti (écrivain), Dounia Bouzar (anthropologue du fait religieux), Said Branine (journaliste rédacteur en chef d’Oumma.com), Humeyra Filiz (représentante de l’EMISCO auprés du conseil de l’Europe), l’ONG COJEP internationale, Anissa Meziti (présidente de l’association agir contre le racisme), Abderahim Hamdani ( Financier), Yasser Khaznadar (Gériatre), Marwane Ben Yahmed (directeur de la publication de Jeune Afrique), Elie Melki (Traducteur), Majed Nehmé (directeur de la rédaction d’Afrique Asie), Adel Kachermi (courtier en Aviation), Kamel Kabtane (recteur de la mosquée de Lyon), Faycal Megherbi (avocat au barreau de Paris), Kamel Maouche (avocat au barreau de Paris)

Cette tribune a été publiée sur le site du Figaro :

Publié dans Uncategorized | Laisser un commentaire

Le Parlement a adopté une loi d’apparence modeste, mais essentielle pour toute l’économie du livre

Intervention en séance publique
de Mme Bariza Khiari, rapporteure

 

Proposition de loi tendant à encadrer les conditions de la vente à distance des livres et habilitant le Gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d’édition

 

Jeudi 26 juin 2014

 

Madame la présidente,

Madame la ministre,

Madame la présidente de la commission,

Mes chers collègues,

Devant l’Assemblée nationale, le 20 février dernier, vous avez qualifié la présente proposition de loi, Madame la ministre, d’essentielle et de moderne, rappelant son importance pour la vitalité de la filière du livre comme le consensus des auteurs, éditeurs et libraires en faveur d’un dispositif qui les aidera à faire face aux enjeux de la transition numérique de l’économie du livre. À cette occasion, vous avez salué l’équilibre trouvé entre la majorité et l’opposition parlementaires à chaque étape de la discussion. Espérons que cette nouvelle lecture au Sénat n’y fasse pas exception.

Les étapes, en effet, furent nombreuses avant ce jour, chaque assemblée apportant son expertise et sa conviction dans l’élaboration d’une mesure, d’apparence modeste et pourtant fort technique.

*

Pour mémoire, l’article 1er de la loi du 10 août 1981 relative au prix du livre dispose que tout éditeur doit fixer, pour chaque ouvrage, un prix de vente au public, tenu d’être respecté par l’ensemble des détaillants. Toutefois, le commerçant est libre d’appliquer à ce prix une remise maximale de 5 %.

La législation est en revanche moins précise s’agissant de la facturation des frais de livraison et ce flou laisse libre cours à la systématisation, par certaines plateformes de commerce électronique, du double avantage offert au client, qui bénéficie de la remise légale de 5 % et de la gratuité de la livraison.

Un tel niveau de concurrence commerciale freine, pour les librairies, toute velléité de développement d’une activité en ligne économiquement viable. Pire, il contribue à l’érosion du commerce physique de livres, désormais plus coûteux et d’accès moins aisé qu’un site de e-commerce délivrant, rapidement et gratuitement, toute commande à domicile.

Afin de rétablir, autant que faire se peut, des conditions de concurrence plus équitables entre les acteurs du marché du livre, nos collègues députés auteurs de la présente proposition de loi ont conçu un dispositif prévoyant que seul le rabais de 5 % soit autorisé dans le cadre de la vente en ligne, à l’exclusion de la gratuité des frais de port et mettant ainsi sur un pied d’égalité commerce physique et
e-commerce.

*

Au cours de sa séance publique du 3 octobre dernier, l’Assemblée nationale a, à l’initiative du Gouvernement, intégralement renversé la mesure.

Dans ce dispositif, les livres commandés en ligne, dès lors qu’ils n’étaient pas retirés dans un commerce de vente au détail de livres, ne pouvaient bénéficier de la ristourne légale. Les libraires se voyaient donc offrir la possibilité de proposer des livres moins chers en vente physique en application du rabais autorisé de 5 %. Par ailleurs, s’agissant du seul e-commerce, la concurrence entre sites ne pouvait plus porter que sur les frais de livraison, évitant ainsi une atrophie des marges par l’application quasi systématique de la ristourne de 5 %.

En revanche, il n’était plus question, dans cette version de la proposition de loi, d’interdire la gratuité des frais de port mais d’offrir la possibilité aux plateformes de vente en ligne d’appliquer, sur ces frais, dont elles fixent elles-mêmes le tarif, une réduction équivalant à 5 % du prix du livre acquis dans le cadre de la transaction.

*

Sur la base de ce texte, voté à l’unanimité par l’Assemblée nationale, notre commission de la culture a, le 18 décembre dernier, apporté une contribution décisive à la mesure proposée, en y réintégrant la facturation des frais de port.A défaut, les plateformes de e-commerce les plus puissantes auraient pu continuer à offrir un service de livraison gratuit, asphyxiant une concurrence qui ne peut appliquer de tels avantages.

Nous avons donc interdit la gratuité des frais de port dès lors que la commande n’était pas livrée en magasin, puisqu’il nous était juridiquement impossible de fixer unilatéralement et autoritairement d’un niveau plancher de frais de port, ni d’établir ces frais à leur coût de revient.

J’avais alors fait valoir que l’interdiction de la gratuité de la livraison aura un effet psychologique sur le consommateur, dont il convient de ne pas méconnaître les conséquences positives, si modiques seront-elles, sur le rééquilibrage de l’environnement concurrentiel du marché du livre en ligne. Je crois toujours fermement à cet argument.

Au cours de sa séance publique du 8 janvier dernier, le Sénat a, à l’unanimité, adopté cette nouvelle version de la proposition de loi, en y ajoutant un double complément :

–      à l’initiative de notre collègue Jacques Legendre, un délai de trois mois a été fixé entre la promulgation du texte et l’application effective de la mesure, afin de laisser aux opérateurs le temps nécessaire aux adaptations logicielles induites par la nouvelle législation ;

–      à l’initiative du Gouvernement, ce dernier a été habilité à légiférer par voie d’ordonnance afin d’intégrer, dans le code de la propriété intellectuelle, les dispositions du contrat d’édition telles que prévues par l’accord signé en mars 2013 entre auteurs et éditeurs.

Pour mémoire, ce nouveau contrat modifie celui en vigueur depuis 1957 en édictant de nouvelles règles dans trois domaines :

–      les premières sont applicables à l’ensemble des contrats d’édition, qui doivent désormais également couvrir l’édition numérique des ouvrages. Est également précisée l’obligation de reddition de comptes qui pèse sur l’éditeur, comme la possibilité pour les parties de mettre fin au contrat pour défaut d’activité économique ;

–      une deuxième série de règles concerne l’exploitation imprimée et traite de l’exploitation permanente, de la diffusion commerciale et des procédures de résiliation ;

–      enfin, de nouvelles règles ont été fixées pour l’exploitation numérique, notamment pour ce qui concerne les modalités de rémunération des auteurs.

Certes, souvenez-vous Madame la ministre, le choix de légiférer par ordonnance était loin de recueillir notre approbation. Toutefois, l’urgence qui existait à mettre en œuvre rapidement le nouveau contrat d’édition, à la demande notamment des auteurs les plus précaires, et l’absence d’un véhicule législatif adapté dans des délais raisonnables ont conduit nos différents groupes à voter en faveur de la proposition de loi ainsi modifiée.

*

C’est alors qu’est apparue, dans un calendrier quelque peu précipité, la nécessité de transmettre le texte à la Commission européenne, dans le cadre de la procédure d’information s’agissant des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information.

Il a été procédé à cette notification quelques jours après l’adoption du texte par notre assemblée. Courait dès lors un délai de trois mois avant l’adoption définitive de la proposition de loi, délai pouvant être prolongé jusqu’à trois mois supplémentaires si était émis un avis circonstancié par la Commission ou un État membre au terme du premier délai. Le non-respect de ce statu quo aurait entraîné, en application de la jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne, l’inapplicabilité de la mesure.

En conséquence, et dès lors que l’Assemblée nationale ne renonçait pas à décaler la date d’examen de la proposition de loi en seconde lecture prévue le 20 février dernier, celui-ci ne pouvait aboutir à un vote conforme de la version transmise par le Sénat, malgré la position prise en ce sens par sa commission des affaires culturelles.

Pour sortir de cette ornière, vous avez donc, Madame la ministre, soumis à nos collègues députés un amendement de suppression du délai de trois mois introduit au Sénat à l’initiative de Jacques Legendre. Cette suppression, outre qu’elle ne dénature en rien le dispositif, tient compte du fait que les procédures européennes imposent d’ores et déjà un tel délai avant que le texte ne soit définitivement adopté, délai que les opérateurs sont invités à utiliser pour réaliser les adaptations techniques nécessaires. Surtout, cet amendement de suppression, voté par l’Assemblée nationale, présentait l’avantage de maintenir le texte en navette, conformément aux exigences de la procédure engagée auprès de Commission européenne. C’est de ce texte ainsi modifié que nous sommes aujourd’hui saisis.

*

Dans le cadre de la procédure de notification européenne, deux avis circonstanciés relatifs à la présente proposition de loi ont été transmis à la France, entraînant immédiatement la prolongation du délai légal de statu quo jusqu’au 19 mai.

Le premier avis émane de la Commission européenne et porte sur quatre points. Elle estime tout d’abord que le dispositif prévu pourrait restreindre la liberté de fournir des services pour les détaillants de livres en ligne établis dans d’autres États membres. Elle émet également des doutes quant à la pertinence des mesures envisagées au regard de l’objectif visé. Elle s’interroge, en outre,sur lesrisques pour pourraient faire porter les contraintes appliquées aux détaillants en ligne sur les libraires qui souhaiteraient se positionner sur le marché du livre en ligne sans disposer de l’assise économique des plateformes existantes. Enfin, elle reproche aux autorités françaises de ne pas lui avoir fourni suffisamment d’éléments pour juger de la proportionnalité du dispositif.

Le second avis circonstancié provient de l’Autriche, qui oppose que, pour les bibliothèques scientifiques qui commandent des monographies en nombre, il découlerait de la mesure française un enchérissement notoire des commandes de livres qui les pénaliserait sensiblement.

Parallèlement, se sont ouvertes, entre la Commission européenne et le Secrétariat général des affaires européennes, de délicates négociations en vue d’adapter la mesure aux remarques émises. Il en ressort que si les autorités européennes semblent prêtes à se laisser convaincre par le dispositif de la proposition de loi, cette acceptation ne pourra se faire qu’au prix d’une renonciation préalable de la France à la mesure consistant à interdire la gratuité des frais de port, que la Commission semble estimer disproportionnée. À défaut, la France se trouverait sous la menace d’un contentieux et, partant, d’une condamnation.

*

Je l’ai affirmé devant la commission lors de l’examen du texte la semaine passée. Je vous le redis ce matin : en tant que rapporteur, je ne puis souscrire à un tel chantage. Les libraires, malmenés par la crise économique et par la concurrence déloyale des plateformes de vente en ligne, attendent le vote de ce texte depuis de nombreux mois. Nous ne pouvons les décevoir en abandonnant un élément majeur du dispositif que nous avons voté, le 8 janvier dernier, dans une belle unanimité.

Ce texte constitue, en effet, un élément fort du soutien public aux librairies, dont vous n’ignorez rien, mes chers collègues, des difficultés. Le marché du livre, après avoir longtemps et mieux que d’autres industrie culturelles, résisté à la crise, subit désormais une baisse de ses ventes, aggravée par la concurrence déloyale que représente le véritable dumping auquel se livrent quelques grandes enseignes – pour ne pas dire une société ultra dominante – de commerce électronique de livres.

Cette situation, comme le fait que la proposition de loi qui nous est soumise ce matin représente le fruit d’une construction partagée des deux chambres, majorité et opposition confondue – je vous rappelle que l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité la version sénatoriale du dispositif – ont conduit la commission de la culture à se prononcer en faveur d’un vote conforme.

Elle fut également sensible au fait que les textes que nous avons adoptés en matière de taxe sur la valeur ajoutée sur le livre et, récemment, sur la presse en ligne, allaient également à l’encontre des incantations de la Commission sans que la France n’ait été à ce jour condamnée.

Enfin, comment les autorités européennes pourraient-elles justifier un contentieux contre le dispositif français, qui protège les libraires sans excès manifeste contre les détaillants en ligne, alors qu’elles demeurent impuissantes face aux stratégies d’optimisation fiscale développées par les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) ? Au-delà de la question fiscale, le résultat des dernières élections européennes, dans notre pays comme ailleurs, plaide pour une plus grande fermeté des politiques nationales à l’encontre d’une vision par trop libérale des règles de concurrence défendue par la Commission européenne, au détriment trop souvent de nos industries culturelles.

Mes chers collègues, la commission de la culture s’est unanimement prononcée en faveur de ce texte, dans sa version transmise par l’Assemblée nationale. Je vous propose donc de confirmer cette position en adoptant la présente proposition de loi sans modification. Ainsi, nous parviendrons au terme d’un marathon législatif riche en péripéties.

Durant ces six mois, parallèlement à la présente initiative parlementaire, la politique du livre a été consolidée. La création d’un médiateur du livre, autorité indépendante chargée de concilier les litiges relatifs au prix du livre papier et numérique, répond à une attente forte des acteurs du secteur. En outre, plusieurs collectivités territoriales, soucieuses de conserver leur(s) librairie(s), ont pris des initiatives afin de les soutenir. À cet égard, et en tant que sénatrice de Paris, je salue les propositions adoptées par le Conseil de Paris le 17 juin dernier, visant à faciliter l’accès, pour les libraires indépendants, aux appels d’offres de la Ville relatifs aux manuels scolaires et aux livres jeunesse.

Pour conclure, je me dois de rappeler à ceux qui se méprendraient sur le sens de notre initiative que la politique du prix du livre, dans sa genèse, son histoire et sa dynamique, n’était pas mue par l’unique souci de satisfaire les libraires, mais par la volonté de consolider l’ensemble du marché du livre. Dans ce domaine, la concurrence par le prix aboutirait, en effet, en peu de temps, à un appauvrissement de l’offre, qui ne serait rien d’autre qu’un appauvrissement de la pensée. Quand il s’agit de culture, la concurrence par le prix constitue une « vraie mauvaise idée ».

La proposition de loi s’inscrit dans cette conviction et cet objectif: donner le cadre règlementaire permettant au secteur du livre, qu’ils s’agissent des librairies physiques ou des « pure-players », des grands éditeurs ou des plus confidentiels, des jeunes auteurs aux auteurs confirmés, de continuer à nous étonner.

Je vous remercie.

 

 

Publié dans Uncategorized | Laisser un commentaire

Discours en hommage à Monsieur Faouzi SKALI

DISCOURS  DE  BARIZA  KHIARI,  1ere  VICE-­‐PRESIDENTE  DU  SENAT   REMISE  DES  INSIGNES  DE  CHEVALIER  DANS  L’ORDRE  DE  LA  LEGION  D’HONNEUR  A   MONSIEUR  FAOUZI  SKALI   LUNDI  12  MAI  2014

Monsieur l’Ambassadeur du Maroc en France, Madame l’Ambassadrice du Maroc à l’UNESCO Monsieur Zouitene, Président de la fondation Festival des musiques sacrées de Fès, Mesdames et Messieurs les élus, chers collègues Mesdames et Messieurs, chers amis. Monsieur Faouzi SKALI Il me revient l’honneur, en ma qualité de première vice-présidente du Sénat et surtout au nom du groupe d’amitié France-Maroc présidé par mon collègue et ami Christian Cambon, de faire votre panégyrique comme il est d’usage à l’occasion de votre récente inscription dans l’ordre de la Légion d’honneur, distinction par laquelle la République salue une œuvre, un acte ou un parcours exemplaire. Merci à vous d’avoir souhaité que je sois l’intercesseur de cette marque de reconnaissance de la République française pour rappeler votre parcours. Né à Fès en 1953, vous êtes marié à Catherine et père de trois enfants Leila, Driss et Oussama. Vous grandissez dans le Royaume chérifien et vous effectuez votre scolarité au lycée français de Fès. Vous poursuivez vos études à Paris, dans deux disciplines que je vois comme complémentaires, les mathématiques, et l’anthropologie. Durant cette période de formation universitaire, à Paris encore marquée par l’effervescence estudiantine de Mai 1968 et sa volonté de changer le monde, vous allez, à contrecourant, vous intéresser aux sagesses religieuses de l’Asie. Déjà vous vous distinguez….Déjà vous êtes ailleurs, déjà vous empruntez des chemins de traverse. L’apprentissage de la méthode scientifique et l’acquisition des grandes théories anthropologiques ont éveillé non pas un intérêt distant et analytique pour les questions de spiritualité, mais un réel besoin de spiritualité. En fidélité avec la tradition qui vous a portée, vous deviendrez ce qu’on appelle un cheminant sur la voie Soufie, qui est le cœur de l’Islam. Cette Voie de l’Unité dont la réalité se trouve au fond des êtres. C’est assez jeune, à peine 20 ans, que vous découvrez la pensée de Jalal Eddine Rumi, grand mystique et poète persan grâce aux traductions que l’on doit à une grande dame, Eva de Vitray-Meyerovitch. Vous sachant très marquée par elle, permettez-moi, de saisir cet instant pour rendre hommage à cette femme, brillante universitaire française qui a enseigné à la Sorbonne mais aussi à la célèbre université El Ahzhar du Caire.  
      Elle a mis à notre portée ces chefs d’œuvre de la littérature universelle. Elle nous a aussi sensibilisés à la pensée de ce grand érudit qu’est Mohamed Iqbal pour qui « Tout ce qui monte converge ». La trajectoire personnelle d’Eva de Vitray-Meyerovitch est une célébration de la concorde des trois monothéismes. A cette concorde, vous êtes particulièrement attachée. Pour preuve, vous écrirez avec elle Jésus dans la tradition soufie édité en 2004 et vous publierez plus tard après la disparition d’Eva Moïse dans la tradition soufie aux éditions Albin Michel. Toujours en français, vous commettez de nombreux ouvrages qui trouvent leurs fondements dans cet œcuménisme profond. Initié à l’expérience, l’exigence, et l’évidence spirituelle, le sujet de votre thèse sur « Saints et sanctuaires de Fès » parvient à réunir les repères structurant de votre existence : la démarche scientifique propre à la recherche, l’expérience spirituelle, et votre ville, Fès, si centrale dans votre cosmogonie personnelle. Docteur d’Etat, diplômé de la Sorbonne en anthropologie, ethnologie et sciences des religions, et à l’écoute de vous-même, vous retournez dans votre ville natale, à laquelle vous allez consacrer une énergie et une ambition lumineuse. Pour vous comprendre, il faut s’attarder quelques instants sur la ville de Fès. Fès est une ville de taille moyenne du royaume chérifien, mais emblématique. S’y installent vers l’an 820 plusieurs milliers de familles andalouses expulsées par les Omeyades de la ville de Cordoue, mais également des milliers de juifs chassés d’Espagne par Isabelle la Catholique à partir du décret de l’Alhambra parce qu’ils refusèrent la conversion. Ce qui est moins connu, c’est que plus de 2000 familles bannies de la ville de Kairouan en Tunisie vont apporter à Fès une longue expérience de la vie citadine et parmi elles, deux sœurs Oum el banine al Fihrya et Maryam. Ces deux femmes musulmanes vont avoir un impact considérable sur la ville puisque Maryam va construire le Masjid El Andalous – La Mosquée des Andalous, lieu de prière mais également centre culturel d’enseignement. Sa sœur Oum el Banine va fonder l’Université Al Quaraouiyne, première université du monde. La Quaraouiyne deviendra le cœur battant de la spiritualité et de la diversité culturelle du Maghreb. Au XIIème siècle, toute une série de noms parmi les plus grands vont être associés d’une manière ou d’une autre à la Quaraouiyne. Les grands du soufisme tel : Ibn Hirzihim, Abou Madyan, Abdesslam Ibn Machich. Le plus grand des maîtres Ibn Arabi. Le philosophe Ibn Rushd plus connu sous le nom d’ Averroes, le scientifique Avempace, le grand savant juif Maimonide, le géographe Al Idrissi mais aussi l’inventeur de la sociologie Ibn Khaldoun. Cette longue tradition de mixité, d’échanges, de créativité est la marque de la ville de Fès. Cela vous conduira, au moment où la théorie du « Choc des civilisations » commence à faire son chemin, à organiser en 1991 dans le désert marocain une rencontre des grandes traditions du Monde dans ce que vous appelez « l’Esprit de Fès » Ce terme deviendra le nom de la Fondation. Cet esprit de Fès ne vous quittera jamais ! Vous êtes persuadé que c’est par la culture et la connaissance de l’autre que des mains peuvent se rejoindre, que des cœurs peuvent se comprendre au-delà des langues et cultures  différentes. Vous faites le choix de la musique… et pas n’importe laquelle, vous faites le choix de la musique sacrée. Ca ne vient pas de nulle part, j’émets une hypothèse et vous me démentirez si je me trompe, vous avez du être influencé par le samaa, ce chant arabe sacré et souvent polyphonique qui clôt les rencontres dans les confréries et qui évoque le plus souvent la nostalgie de la séparation. Car en effet, la musique sacrée est cet art, cette expression humaine singulière qui est à la fois dans l’immanence et la transcendance, dans le particulier et l’universel. L’expérience du désert deviendra ainsi la préfiguration du Festival des Cultures sacrées du Monde qui fête, cette année, sa 20ème édition. Ce festival, dont vous avez été le patient artisan, placé sous le haut patronage de sa Majesté le Roi Mohammed VI, réunit depuis 20 ans des manifestations musicales dans les lieux emblématiques de Fès. Je garde moi-même le souvenir inoubliable du silence face aux chants grégoriens, de la beauté turbulente des gospels venus des Amériques. L’esprit de fusion règne. J’ai vu, grâce à vous, la complainte du Ney entrainée par l’allégresse de la flute traversière, la viole de gambe arrondir les violons aigus des ryads andalous, la tabla indienne faire le pied de nez à la guitare sèche de Séville, et les tambours de Doudou N’diaye libérer les esclaves de Gorée. J’ai entendu les voix de tous les continents célébrer ensemble la beauté de la création. J’ai saisi l’éternité des derviches tourneurs quand toute la ville vibre au même instant à l’appel au recueillement lancé par ces centaines de muezzins. Oh temps, suspens ton vol….. Le festival des musiques sacrées du Monde est une ode à l’ouverture d’esprit et nous invite à avoir le gout de l’autre. Le différent. Nous français, avons une responsabilité particulière dans cet espace euro-méditerranéen. C’est pourquoi à ce stade, je manquerais à tous mes devoirs si je ne disais pas que parmi tous vos sponsors, le soutien du centre culturel français de Fès et de notre Ambassade à Rabat ne vous ont jamais fait défaut. Vous tentez pour l’édition 2014 une création à partir de ce monument de la poésie persane, la » Conférence des oiseaux » de Farid Eddine Attar que notre amie Leili Anvar a baptisé dans sa superbe traduction de « Cantique des Oiseaux » – pour les arabisants je précise qu’il s’agit de « Mantik Teir ». C’est en tous les cas un véritable pari, mais nous comptons sur le miracle de Fès. Malgré le succès jamais démenti, vous êtes un éternel insatisfait….Il vous faut autre chose. En 2001, vous créez un forum, de discussion que vous avez intitulé « une âme pour la mondialisation » et qui est une forme de contrepoints aux grandes rencontres économiques. Nous avons besoin de sens, et pas uniquement de données chiffrées. Un bilan comptable, une courbe ne font jamais rêver personne. Cela se saurait !! Cette quête de sens c’est l’ambition portée par l’agora « une âme pour la mondialisation » que vous animez de bout en bout, où les grands penseurs et un public averti viennent échanger sur tous les sujets sans     tabou non pas dans un discours technocratique, mais connectés aux grandes interrogations de l’Homme. Au-delà du « comment », ces rencontres posent la question du « Pourquoi » et, en cela, elles permettent de faire que le souci de la destinée humaine devienne la chose de tous. Vous avez reçu beaucoup d’intellectuels de tous les continents, des hommes politiques de tous les bords et de grands intellectuels français tels que Régis Debray, Jacques Attali, le grand Edgar Morin qui a théorisé devant nous la complexité du monde mais aussi la simplicité du Produit de Bonheur brut. Et, également des penseurs du monde entier tels que Raj Mohan Ghandi, Soulak Svaraksa, grand maître du bouddhisme et Prix Nobel alternatif, Mike Moore et bien d’autres. Christiane Taubira nous a fait retrouver Aimé Césaire dans une langue poétique dont elle, seule, a le secret. La liste des intervenant est aussi longue que prestigieuse. Tous s’emploient, principalement en français, à tenter de domestiquer la mondialisation et à civiliser les nouveaux mondes issus de l’œuvre civilisatrice, sous le vieux chêne du musée Batha. L’harmonie du lieu, ce magnifique jardin andalou, où la symphonie des oiseaux qui accompagne nos débats nous fait entrevoir un instant de paradis. Monsieur Skali, tout en restant viscéralement attaché à votre culture et à votre langue l’arabe, vous êtes le tenant, d’une francophonie active, je dirais même d’une francophonie francophile. Vous êtes, Mr Skali, de ceux qui participent, avec vos moyens, à l’ébauche d’un monde nouveau qui n’est ni d’Orient, ni d’Occident mais le produit de leur synthèse et de leur dépassement. Avec vous, il y a toujours des projets en gestation car vous êtes à l’écoute des bruits et de la fureur du monde. Vous observez que l’image de l’Islam est abimée, dégradée. L’Islam, spiritualité est devenu un sujet politique. Vous observez qu’en son nom se pratiquent les pires horreurs que je ne peux qualifier, et l’actualité récente en témoigne une triste fois encore. Au nom d’une religion, ces obscurantistes vont jusqu’à s’en prendre à la culture, à la destruction des bibliothèques, aux manuscrits de Tombouctou trésor de l’humanité et après la destruction des Bouddhas de Bamian, ils s’affairent à détruire des vestiges de leur propre culture, les tombeaux des saints, ces lieux de pèlerinage qui justement témoignent d’un islam des lumières. Vous observez que cette spiritualité est prise en otage entre des obscurantistes et des islamophobes se nourrissant bien évidemment l’un de l’autre. Mais vous ne faites pas qu’observer ! Là encore, vous ne restez pas les bras ballants. Vous agissez…. Vous créez, il y a 5 ans, le Festival des cultures soufies toujours à Fès, toujours sous le Haut patronage de sa Majesté Mohamed VI, ou vous voulez montrer le meilleur. L’Islam tel qu’en lui-même ; et le succès est grandissant. Des personnalités viennent de tous les continents pour témoigner d’un autre Islam, le vrai. Celui qui énonce dans un verset majeur : « Nulle contrainte en religion ». Et oui, que savons nous de l’Islam essentiel, celui des philosophes et des savants qui ont tant apporté à l’occident médiéval, celui qui a nourri l’art et la littérature de toute une civilisation.     
      Alors, pendant ce festival des cultures soufies, vous guidez un public conquis vers des terres lointaines, inconnues. Vous nous emmenez chez les grands du monde musulman comme Attar, Hafez, Hallaj, Jalal eddine Rumi mais aussi chez celui qui préférait les jouissances de l’éphémère aux vérités érigées en dogmes, Omar Khayam qui nous dit dans une ivresse poétique : « Sois heureux un instant, cet instant c’est ta vie ». Vous nous conduisez, Mr Skali, sur les traces de l’Emir Abdelkader, homme d’Etat et grand soufi, celui qui, au nom de sa foi musulmane, sauva de la mort des milliers de chrétiens à Damas. Ce grand homme d’Etat qui disait, si justement « La politique c’est porter sur soi le destin d’autrui ». Vous nous emmenez aussi sur les pas d’Ibn Arabi, grand poète de la religion de l’Amour et tout à coup, sous le chêne centenaire, résonne ce poème : Mon cœur est devenu capable D’accueillir toute forme. Il est pâturage pour gazelles Et abbaye pour moines ! Il est un temple pour idoles Et la Ka’ba pour qui en fait le tour, Il est les tables de la Thora Et aussi les feuillets du Coran ! La religion que je professe Est celle de l’Amour. Partout où ses montures se tournent L’amour est ma religion et ma foi. Il est aussi le plus grand des Maître, appelé aussi Ibn Aflatun, ouvrages répertoriés, il nous rappelle que « Les hommes sont les ennemis de ce qu’ils ignorent » comme en écho Victor Hugo lui répondra dans ces lieux à la tribune du Sénat : « C’est à la faveur de l’ignorance que certaines doctrines fatales passent de l’esprit impitoyable des théoriciens dans le cerveaux des multitudes ». Votre credo, Faouzi Skali : Par toutes les expressions culturelles vous combattez l’ignorance qui nous assiège de toutes parts. Cette ignorance qui se répand, cette ignorance qui « métastase » et qui est à l’origine de beaucoup de désordre du Monde. Vos talents, votre capacité à fédérer vont vous appeler à d’éminentes fonctions. Vous êtes membre du groupe des sages, créé par Romano Prodi, pour le dialogue des peuples et cultures dans l’espace euro-méditerranéen. Vous avez été désigné par l’ONU parmi les 7 personnalités mondiales ayant contribué de façon significative au dialogue des civilisations. Vous êtes également membre du G100. Ces 100 personnalités du forum économique mondial de Davos pour l’initiative du dialogue entre l’Occident et le monde musulman. Vous êtes aussi appelé en 2011 par Sa Majesté le Roi Mohamed VI à d’éminentes responsabilités dans l’instance que nous appelons ici le CSA pour veiller ainsi à la pluralité des programmes dans les médias.     
      C’est dire que vous êtes apprécié des deux côtés de la méditerranée et même au-delà.. Enfin, je vais faire une incursion dans votre jardin qui ne sera plus secret. Cette présentation ne pouvait faire l’impasse sur une main qui vous guide et un cœur qui vous inspire, c’est votre Maître, Sidi Hamza Quadiri à qui vous consacrez un ouvrage que vous intitulez « Le souvenir de l’être profond » propos sur les enseignements d’un Grand maître soufi. Mr. Skali, c’est au nom de cette double culture que nous avons en commun et des valeurs qui s’y rattachent que mes amis du groupe d’amitié France-Maroc ont souhaité que je fasse votre éloge. Avant de passer le flambeau à notre Président Christian Cambon, je m’apprête à conclure par quelques mots qui pourraient vous résumer. Monsieur Skali : Parce que vous avez dans votre mémoire ancienne la coexistence arabo- judéo-andalouse comme modèle ainsi qu’un parcours fortement marqué par les Lumières vous représentez le Maroc d’aujourd’hui qui, fait unique dans le monde musulman a reconnu, grâce à un monarque éclairé, ses identités plurielles dans sa loi la plus haute : sa Constitution. Tout cela explique que vous ne pouvez vous résoudre à un passé sans avenir et à une modernité sans racine. C’est votre force, et un marqueur dans tout ce que vous entreprenez Pour toutes ces raisons, la République française vous distingue aujourd’hui.    

   

Publié dans Uncategorized | Tagué | Laisser un commentaire

De quoi le « vote musulman » est-il le nom?

Voici un article qui a été publié dans le journal Médiapart revenant tant sur la défaite du parti socialiste aux élections municipales que sur le « vote musulman » et ses composantes.

vous pouvez le trouver sur le lien ci-joint http://blogs.mediapart.fr/edition/municipales-2014/article/170414/de-quoi-le-vote-musulman-est-il-le-nom

me texte intégral se trouve ci-dessous.

 

Il faut, sans fausse pudeur, analyser le recul historique des socialistes aux dernières élections municipales. C’est à l’aune de cet exercice de vérité qu’ils pourront démontrer que « le message a été entendu ». Les raisons de cette déroute sont multiples et, pour certaines, controversées. Une explication fait pourtant l’unanimité : l’électorat populaire, et notamment dans certains « quartiers », n’a pas voté, comme prévu, pour le parti socialiste.

 

Il y aurait donc eu un vote des quartiers, osons le dire un « vote musulman » ! Une note du Cevipof en 2011 puis une étude Ifop en 2013 ont tenté d’isoler le poids de la variable cultuelle dans le comportement électoral des musulmans : ce segment, qui constitue selon l’Ifop 5% des inscrits, et qui se caractérise par un sur-vote à gauche très important (34 points de plus que la moyenne nationale), « représente 1,5% du corps électoral… soit l’avance qui a permis à François Hollande de l’emporter » sur Nicolas Sarkozy.

 

Plus récemment, la Fondation Jean Jaurès a consacré une note à ce segment électoral stratégique, notamment en Ile-de-France. Selon cette étude, les « musulmans de gauche » se singularisent idéologiquement par des valeurs conservatrices sur les questions de société, et, électoralement, par une plus forte propension à l’abstention. L’auteur, comme surpris de sa propre audace, prend soin de souligner le caractère « explosif » de cette révélation politique. Pourtant, l’étude du poids de la religion n’est pas une discipline nouvelle. Ce n’est donc pas tant la dimension confessionnelle qui effraie, mais bien sa dimension spécifiquement musulmane.

 

Le 6 mai 2012, les Français de confession musulmane ont voté pour François Hollande en réaction à une décennie de stigmatisation (Kärcher, racaille, halal, burka). Le débat sur l’identité nationale, qui ne fut rien d’autre que l’expression d’une islamophobie d’Etat, a profondément perverti le concept du vivre-ensemble. L’immigré est devenu l’arabe, lui-même devenu musulman, forcément terroriste, incarnation de la nouvelle figure de l’Autre, inadmissible !

 

Les dernières saillies islamophobes de la droite (notamment la farce du pain au chocolat) ont conforté les stratèges socialistes dans l’idée que cet électorat leur était acquis. Mais, aux municipales, ces électeurs ont, par leur abstention massive ou leur report sur des listes dites « citoyennes », fait trébucher le PS jusque dans ses bastions traditionnels. Les messages des 23 et 30 mars expriment une double sanction : le sentiment d’avoir encore une fois été bernés et trahis et le rejet d’un agenda politique centré principalement sur les questions sociétales.

 

A cet égard, Patrick Menucci, candidat du PS à Marseille, a déclaré que le « mariage pour tous » lui avait coûté beaucoup de voix, notamment dans la communauté musulmane. Ces propos sont partagés par d’autres élu-e-s défaits qui pointent les ABCD de l’égalité. Ces derniers n’ont pas été perçus comme visant à lutter contre les stéréotypes sexistes, mais comme des vecteurs de l’indifférenciation sexuelle. D’ailleurs, des candidats de droite ne se sont pas privés de jeter de l’huile sur le feu en distillant des contre-vérités sur le sujet, entamant ainsi gravement la confiance en notre école publique.

 

La confiance dans l’école républicaine est pourtant essentielle. Elle doit rester le lieu de l’émancipation par le savoir et permettre la mise à distance de tous les endoctrinements. La défiance qu’elle suscite est d’autant plus inquiétante qu’un certain nombre de jeunes sont des proies faciles pour les officines fondamentalistes passées maîtres dans l’art d’exploiter leur désarroi. Leur habileté à « vendre » le référent religieux comme dernière échappatoire au sentiment d’injustice ouvre la voie au repli communautariste ou aux dérives sectaires, particulièrement par temps de crise et de racisme aujourd’hui décomplexé.

 

Si le gouvernement, parallèlement à sa démarche volontariste en faveur du « mariage pour tous », avait su promouvoir avec la même énergie, à défaut du même succès, le « vote pour tous », les candidats socialistes auraient eu sur le terrain des arguments à faire valoir. Si le gouvernement, comme annoncé, avait réformé le Code d’entrée et de séjours des étrangers, ces électeurs auraient observé l’amélioration des conditions de vie de leurs proches. Si, lors de la primaire socialiste à Marseille, on avait salué la citoyenneté active des quartiers Nord au lieu de dénoncer au plus haut niveau de l’Etat un « vote communautaire », Marseille aurait pu revenir à la gauche. Si la gauche avait procédé à quelques nominations, même emblématiques, ces électeurs auraient eu le sentiment d’accéder, par procuration, à une reconnaissance et une dignité nouvelle.

 

C’est au cœur même du fonctionnement de l’Etat, réputé laïque et méritocratique, que l’ethnicisation des rapports sociaux est la plus inadmissible, et sans doute la plus forte. Notre élite politico-administrative, à force de consanguinité, est devenue un « grand corps malade ». L’arabe/musulman, ce mal aimé de la République, est l’objet d’un véritable tir de barrage dès lors qu’il s’agit de prétendre à occuper un poste à responsabilité.

 

L’élite des « issus de l’immigration », celle qui a cru en la promesse républicaine, est frappée d’ostracisme. Le message envoyé aux jeunes générations est catastrophique quand le regard porté sur ces élites, même lorsqu’elles sont issues de grandes écoles, les relègue encore trop souvent à une altérité indépassable.

 

Au lieu de cela, nos responsables se sont contentés de quelques beaux discours, comme si le simple fait de se prévaloir de l’article 1er de notre Constitution valait solde de tout compte.

 

Faut-il rappeler que le « curseur » des musulmans, comme le reste de nos concitoyens, n’est pas bloqué autour de la seule variable cultuelle ? Ils sont pauvres ou nantis, chômeurs ou salariés, et soucieux de l’avenir de leurs enfants. La construction de l’identité politique se construit, sauf cécité intellectuelle, en tenant compte de l’ensemble des ingrédients notamment socio-économiques.

 

L’inversion de la courbe du chômage et l’amélioration du pouvoir d’achat, promesses communes à tous et non réalisées, ont conduit une partie de nos concitoyens à l’abstention ou vers des listes d’extrême droite. L’électeur de confession musulmane à qui on avait promis, de surcroît, l’encadrement des contrôles au faciès, le droit de vote aux élections locales, une politique visant à lutter contre les discriminations a été très vite habité par la conviction d’être, à plus d’un titre, le « dindon de la farce ».

 

En vérité, le citoyen de confession musulmane éprouve à la fois le sentiment de servir de variable d’ajustement pour une gauche en mal d’électeurs, et de repoussoir pour une droite soucieuse de donner des gages à l’extrême-droite, sans pour autant quitter le convoi des premières victimes des tensions économiques.

 

Le Parti socialiste a été sévèrement sanctionné pour ses renoncements successifs. Dès lors, il n’est pas interdit de penser qu’il ne pourra plus gagner d’autres élections nationales sans l’apport de cet électorat particulièrement sensible aux questions de justice sociale et d’égalité. Il faut passer des promesses aux actes. Des résultats tangibles en matière d’égalité réelle permettront et, il n’est pas trop tard, de dissoudre le facteur identitaire du vote.

 

Entre abstention et listes dites « citoyennes », il y a pour les citoyens musulmans un autre chemin : celui de notre République sociale et laïque, encore faut-il que nos dirigeants montrent la voie. Cela implique de parier sur les compétences en ignorant l’appartenance et de redonner la primauté à la citoyenneté sur l’identité. Sur ces questions se jouent la crédibilité et la pérennité de notre modèle républicain.

Publié dans Uncategorized | Laisser un commentaire